PROtestants et FILmophiles |
PROmouvoir les FILms dont la qualité artistique et humaine aide à la connaissance du monde contemporain
ACCUEIL - QUI SOMMES-NOUS ? - ACTIVITES - PUBLICATIONS - GROUPES - CRITIQUES DE FILMS - RADIO - FESTIVALS
Retour à la page « Cours 2014-2015 »
Les autres contributions en ligne pour cette journée :
le détail des plans
l'analyse structurelle
Compte-rendu du groupe 1
Compte-rendu du groupe 2
Compte-rendu du groupe 3
Comparaison des méthodes de travail groupes 2 et 3
la méditation sur ce film
Quelques éléments d'analyse permettront de dégager des pistes qui seront ensuite explorées lors de la méditation sur ce film.
Remarquons que dans cette exemple, nous n'avons pas analysé la bande son ! Cela sera un des travaux futurs.
Nous nous concentrons ici sur l'analyse des plans (Voir : le détail des plans ), regroupés en séquences (unité narrative), et la façon dont celles-ci sont montées, ainsi que les cadrages et les couleurs.
Une moyenne de 4,66 sec./plan est très confortable pour le spectateur : ni haché ni ennuyeux.
Un prologue en flashforward situe d’emblée la nature de la relation entre Driss et Philippe, celle d’une amitié complice.
Celle-ci est dans la suite déployée dans le temps :
séquence n° | nb plans | durée moyenne | remarques | ||
* après la virgule, non sec, mais centièmes de minute | |||||
prélude | |||||
1 | le pari | 116 | 3,82 | flashforward | |
Driss et son milieu | |||||
2 | l'entretien d'embauche | 83 | 3,59 | ||
3 | Driss et les enfants | 26 | 4,40 | ||
4 | Driss et sa mère | 24 | 5,59 | ||
5 | Driss et les jeunes | 13 | 6,64 | ||
installation et apprentissage | |||||
6 | l'embauche | 30 | 4,92 | ||
7 | démonstration soin | 16 | 3,46 | ||
8 | Driss s'installe | 5 | 5,28 | ||
9 | 1er jour de travail : soins | 35 | 5,73 | ||
10 | repas dans la cuisine | 10 | 3,93 | ||
11 | repas du soir sur le toit | 8 | 4,60 | ||
12 | Driss regarde Magalie | 5 | 3,26 | ||
13 | soin: Philippe ne sent vraiment rien | 11 | 3,98 | ||
14 | travail de courrier | 10 | 3,83 | ||
15 | "repas à l'œil" | 6 | 2,77 | ||
16 | lecture et téléphone | 3 | 5,04 | ||
Driss bien dans la place, prend ses marques | |||||
17 | Driss au bordel | 2 | 4,48 | ||
18 | Driss au bain | 9 | 5,92 | ||
19 | Un voisin peu respectueux | 20 | 4,26 | ||
20 | Au musée | 32 | 3,52 | ||
21 | Mise en garde de l'ami | 21 | 5,33 | La 'famille' de Philippe se rappelle à lui | |
22 | Drague baignoire | 21 | 3,33 | ||
23 | Courrier de cœur/Yvonne+ Driss mangent | 22 | 4,77 | ||
24 | Crise | 22 | 7,43 | 1ère crise | |
25 | rue | 29 | 4,96 | ||
26 | Au restaurant | 44 | 5,45 | ||
retour de la famille | |||||
27 | Driss et sa sœur | 19 | 3,93 | ||
28 | Driss et son frère commissariat | 5 | 8,31 | ||
Impact de Driss sur Philippe | |||||
29 | amour à distance | 57 | 3,70 | ||
30 | à l'opéra | 38 | 4,33 | ||
31 | bibliothèque | 10 | 4,32 | ||
32 | Driss peint | 11 | 2,25 | ||
33 | Driss en colère | 30 | 3,00 | ||
34 | Driss peint 2 | 4 | 4,56 | ||
35 | activités diverses sur fond muscical | soins | 8 | 2,08 | fonctionne comme un résumé |
peint | 1 | 3,12 | |||
habillage | 3 | 2,39 | |||
soignante | 2 | 4,34 | |||
peint | 2 | 1,66 | |||
couturier | 1 | 3,48 | |||
courrier | 2 | 0,82 | |||
neige | 4 | 2,18 | |||
36 | Philippe sermonne sa fille/Driss peint et entend | 8 | 2,15 | ||
37 | danse toit | 1 | 3,32 | ||
38 | Le tableau | 7 | 3,91 | ||
39 | footing | 1 | 9,32 | unité narrative | |
40 | à l'atelier | 2 | 4,34 | ||
41 | chaise boostée | 4 | 2,92 | ||
42 | Au bordel | 5 | 5,04 | ||
43 | escalier | 1 | 5,68 | ||
44 | A la bijouterie | 6 | 9,21 | ||
45 | le concert d'anniversaire | 21 | 4,55 | ||
46 | Le chagrin de Lisa | 29 | 3,16 | ||
47 | Négociation du tableau | 7 | 5,59 | ||
48 | Confidences Yvonne et Driss | 16 | 2,94 | ||
49 | la fête | 73 | 3,23 | ||
50 | La photo | 20 | 4,31 | ||
51 | Essais d'habillage | 11 | 4,58 | ||
52 | Dris attrape Bastien | 3 | 12,80 | ||
Prise de distance | |||||
53 | L'attente au café | 7 | 5,86 | Montage parallèle | |
54 | Driss regarde sa mère laver les vitres/Philippe au téléphone | 23 | 5,31 | ||
55 | départ en jet | 21 | 7,8 | ||
56 | Parapente | 43 | 3,48 | ||
57 | Driss+frère | 24 | 3,57 | La famille de Driss se rappelle à lui | |
58 | Confidences de Driss | 41 | 5,18 | ||
59 | Les croissants | 5 | 4,13 | ||
60 | Le départ de Driss | 30 | 7,06 | ||
Driss et Philippe retrouvent chacun leur condition | |||||
61 | retrouvailles | 10 | 7,20 | ||
62 | le nouveau | 8 | 8,85 | ||
63 | Retour à la cité | 12 | 4,22 | ||
64 | Philippe et le nouveau | 13 | 2,80 | ||
65 | Au pôle emploi | 20 | 4,27 | ||
Driss revient vers Philippe, non comme employé, mais comme ami | |||||
66 | crise 2 | 7 | 4,46 | 2e crise | |
67 | Driss retourne chez Philippe | 10 | 5,07 | au centre de cette séquence, la poursuite de la séquence 1. | |
68 | Philippe reçoit une nouvelle beauté | 49 | 5,69 | ||
69 | au restaurant à Dunkerque | 18 | 8,85 | ||
70 | épilogue | 5 | 41,58 |
Si on inscrit ces séquences sur la flèche du temps, on voit que l’ensemble est organisé autour de l’irruption des problèmes familiaux dans l’univers nouveau de Driss :
La bande du haut du tableau suivant indique sur quelle partie du film les différents groupes ont travaillé.
Remarquons une particularité technique : au lieu de reprendre simplement une partie des images du prologue, la séquence de la poursuite, quand elle est reprise à la fin du film, l’est sous forme de bribes, entrecoupées de noirs. Normalement, ce sont des souvenirs qui sont montrés sous forme de bribes, alors qu’ici, si c’est un souvenir pour le spectateur, c’est de l’action en train de se passer qu’il s’agit. Alors que nous avons à faire à une séquence de poursuite de voiture à grande vitesse, cela produit pourtant un effet de rêve, de détente, la musique aidant. Le spectateur participe ainsi à la détente progressive de Philippe, non seulement parce qu’il sait ce qui va se passer, mais par ce montage quasi-méditatif.
Tout dans l’univers de Philippe est doré, or parfois accompagné du rouge cossu des beaux théâtres. Même quand Philippe attend son rendez-vous dans un bar, ce sont les couleurs dorées chatoyantes qui dominent.
Quand Driss prend connaissance de ses conditions de travail, il réalise qu’il pourra vivre dans cet univers et vous vous rappelez sûrement la scène de la baignoire.
L’or est depuis toujours le symbole de la richesse, les couronnes des rois sont en or – mais vous conviendrez qu’on aurait pu montrer cette richesse autrement. Dans beaucoup de films les riches vivent dans des appartements aux couleurs claires et sobres. C’est que l’or ici est plus qu’une couleur, il est un symbole. On disait de Crésus que tout ce qu’il touchait se transformait en or. On peut dire de Philippe que tout ce qui l’entoure est fait d’or. Il vit littéralement dans de l’or.
Sauf : sa maladie. Là, tout est blanc. Le blanc est traditionnellement relié à la médecine, mais ce n’est pas une nécessité. On peut désinfecter une surface dorée aussi bien qu’une surface blanche. Les blouses des soignants sont blanches par convention – en bleu ou en vert elles pourraient être tout à fait aussi propres. Le blanc est donc un signal ici : attention : maladie ! Et Philippe ne supporte pas de se voir traiter en malade. Il l’accepte au moment des soins, il faut bien, mais quand les nouveaux auxiliaires de vie viennent en blouse blanche, il se met en colère. Et quand le nouveau, en blouse blanche, lui sert du café dans une tasse blanche, posée sur un napperon blanc – c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
La famille de Driss est dépeinte en couleurs vives bariolées, qui correspondent à l’idée qu’on se fait de l’Afrique. C’est coloré, c’est bruyant, les échanges sont tout sauf chatoyés.
Driss seul est pratiquement toujours montré dans des couleurs bleues. Pour certaines images on pourrait dire que c’est parce que c’est la nuit. Mais premièrement on peut parfaitement filmer la nuit sans qu’elle apparaisse bleue. Et deuxièmement Driss apparaît en couleur bleue même quand l’univers ne s’y prête pas, comme sur l’image où il est contre la fenêtre de la salle à manger de sa famille qui, par ailleurs, nous l’avons vu, est montrée en couleurs vives. La dernière image de cette diapo montre Driss mélancolique. En anglais on dirait qu’il a le « blues ». Ce bleu-là est donc également un symbole plus qu’une couleur.
Regardons en prime le départ de Driss et Philippe en avion. Il fait nuit, l’avion paraît bleu. Quand Philippe et Driss prennent leurs sièges, les parois latérales paraissent bleu-clair. Driss derrière l’hublot est dans un avion bleu. Puis l’avion prend de la hauteur, et Driss et Philippe avec lui. Et – miracle, les mêmes parois paraissent dorés – et puis c’est l’apothéose : l'or se fait céleste.
La nature est verte comme il se doit et le ciel est bleu – cela ne va nullement de soi. Dans des films portugais par exemple je suis souvent surprise comment ils arrivent à montrer des extérieurs en plein soleil dans des couleurs aussi fades, grises – pour exprimer la tristesse de la situation…
Les codes symboliques des couleurs sont donc parfaitement respectés. Cela aussi est rassurant. Le spectateur comprend d’emblée. Il est à l’aise dans l’univers qu’on lui montre, même quand ce n’est pas forcément le sien. Il n’est déstabilisé par aucun trublion symbolique.
Philippe dicte à Magalie. Elle est assise plus bas – ce qui est déjà étonnant quand on prend une dictée. Du coup, elle est montrée en plongée, tandis que Philippe est en contre-plongée. On pourrait dire que ce sont les circonstances du lieu qui font qu’elle est simplement assise plus bas. Mais c’est surtout une façon de symboliser les rapports sociaux.
Yvonne et Driss mangent à la même table, Driss est plus grand qu’Yvonne, il devrait donc à priori apparaître au moins à la même hauteur qu’elle. Mais il est avachi, tandis qu’elle se tient droite, il est filmé en plongée, elle en petite contre-plongée.
La même chose répète lors de la fête.
C’est suffisamment discret pour ne pas sauter aux yeux, mais cela transmet un message : la hiérarchie sociale est sauve. Chacun est à sa place.
Remarquons que dans la suite de l’histoire, Driss est plusieurs fois à la même hauteur que Philippe.
Au bar, il est avachi sur son siège, donc objectivement plus bas que Philippe, pourtant, dans le champ-contrechamp qui suit, il est filmé en légère contre-plongée.
Quand Driss pousse Philippe dans sa chaise, il est normal qu’il soit plus haut que Philippe. C’est quand les deux pourraient être à la même hauteur et qu’ils sont filmés avec un petit décalage, que c’est porteur de sens.
A partir de maintenant, Driss est montré comme ami et non plus comme subordonné.
A l’opéra et au bordel, ils sont à la même hauteur.
De même dans la scène du prologue mais qui se situe plus tard dans le fil de l’histoire.
Le changement de statut de Driss est donc exprimé très subtilement par le cadrage.
Lors de l’entretien, où se décide le départ de Driss, ils sont bien à la même hauteur, mais Philippe est dans la lumière, Driss dans l’ombre. Ce n’est pas parce qu’il est noir qu’on n’aurait pas pu placer une lampe de telle sorte qu’il soit éclairé. Or, la seule lumière vient sur Philippe.
Ces subtilités ne sont pas anodines. Ils font passer des messages subliminaux au spectateur.
Vers le haut
Waltraud Verlaguet
Autres articles sur ce film
Siège social, 40 rue de Las Sorbes, 34070 Montpellier Secrétariat national, 25 avenue de Lodève, 34070 Montpellier |