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Festival de Berlin 2014

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Zwischen Welten (Entre deux mondes) de Feo Aladag

Médiation dangereuse

Ronald Zehrfeld, Mohsin Ahmady dans Zwischen Welten photo : Wolfgang Ennenbach © Independent Artists Filmproduktion

Avec Ronald Zehrfeld, Mohsin Ahmady,Saida Barmaki

Jesper, commandant dans l'armée allemande, est envoyé en Afghanistan avec son unité, pas loin de l'endroit où son frère est mort. On lui attribue un traducteur, Tarik. Les soldats s'installent dans camp, un coin dans un village en ruine que leur attribue le chef local avec qui ils doivent collaborer. Quand le chef demande de l'aide à Jesper lors d'une attaque du village voisin la nuit, celui-ci refuse, car il estime que c'est trop dangereux pour ses hommes étant donné que ses supérieurs refusent le soutien logistique nécessaire. Mais quand la soeur du traducteur est gravement blessée et que ses supérieurs refusent de venir l'évacuer, il laisse le camp à son second pour emmener lui-même la jeune fille à l'hôpital militaire. Son unité est attaquée et son second tué. Jesper se retrouve devant le tribunal militaire, mais la jeune fille est sauvée.

Ronald Zehrfeld dans Zwischen Welten photo : Wolfgang Ennenbach © Independent Artists Filmproduktion

On peut reprocher à ce film une certaine tendance au mélodrame, mais je lui pardonne volontiers pour toutes ses autres qualités. Voyons plutôt: c'est, comme cela a été dit lors de la conférence de presse, le premier film allemand sur un soldat allemand engagé dans un combat après la seconde guerre mondiale (à part un téléfilm). Le sujet est sensible, pour des raisons historiques évidentes les Allemands ont un problème avec leur armée. Des soldats engagés dans des missions humanitaires, on connaît, mais en pleine tenue de combat, armés jusqu'aux dents, c'est nouveau. Qui plus est, c'est une femme qui a pris ce sujet à bras le corps. Elle s'est installée en Afghanistan (avec sa fille - je n'aurais pas osé...) pour tourner dans le pays. Elle raconte qu'elle a toujours été traitée avec respect, mais que de toute façon, les Occidentaux sont considérés comme des êtres d'une autre planète, alors des femmes en plus... La réalisatrice comme Ronald Zehrfeld (pour les Français qui connaissent mal les acteurs allemands, c'est un genre de Matt Damon allemand, on l'a vu notamment dans Barbara) ont insisté sur leur espoir d'avoir participé à faire connaître au moins un peu la situation de l'Afghanistan, de l'engagement de l'armée allemande là-bas. Ils soulignent tous deux la nécessité de créer des conditions pour donner une éducation à tous, garçons comme filles, dans ce pays.

La position difficile du traducteur est bien mise en scène. Considérés par les talibans comme des traitres, ils sont constamment en danger, alors que les Occidentaux ne les protègent que moyennement. Ils doivent vivre hors du camp et sur les routes entre camp et domicile, ils sont hautement vulnérables. Le film montre bien à quel point ils sont plus que de simples interprètes : au-delà du passage des mots d'une langue à l'autre, ils traduisent les intentions des uns et des autres et aident ainsi à désescalader les conflits, toujours prêts à survenir par simple incompréhension des us et coutumes de l'autre. Des médiateurs en somme.

Feo Aladag © Roman Walczyna 2014

Ce qui est également intéressant à observer, c'est le sens aigu de leur mission. L'armée est là pour aider la population, la protéger, et pour poser les bases d'une nouvelle structure qui permettra un nouvel essor du pays. Ce faisant, ils arrivent avec leur bonne volonté, appliquant leur normes de comportements et attendent que les Afghans les adoptent à leur tour. Mais comment sont-ils perçus ? Le chef le dit à un moment: "qui êtes vous pour nous donner des leçons ? Tant d'armées sont venues pour différentes raisons, elles ont combattu, puis sont parties. Un proverbe dit: vous avez les montres, nous avons le temps." N'est-ce pas le même hiatus que pour la perception des missionnaires ? Eux-mêmes pensaient venir pour la bonne cause, mais localement - et surtout à posteriori - ne sont-ils pas considérés commes des auxiliaires de la colonisation ?

Un aspect du récit mérite d'être soulevé : le commandant agit contre l'ordre de ses supérieurs pour sauver la jeune fille. Interrogée sur ce point, la réalisatrice explique que le serment que les soldats doivent prêter quand ils s'engagent comprend, pour des raisons historiques évidentes, la clause que chaque décision doit être prise, en dernière instance, devant la conscience de chacun. Elle a ajouté que dans des situations aussi difficiles, où tout ce qu'on fait est potentiellement faux, la conscience est la dernière instance pour s'orienter.

Alors un peu de mélo, pourquoi pas ? L'humain vit de sentiments aussi. Je trouve que c'est un film important.

Waltraud Verlaguet

Sélection officielle Berlin 2014

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