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BlacKkKlansman ou comment infiltrer la haine

Sans être transformé par elle ? 

Car tel est bien le propos du dernier film de Spike Lee qui relate l'histoire vrai de Ron Stallwort, policier noir infiltrant la section locale du Klu Klux Klan à l'occasion de la visite de David Duke, Grand Sorcier des Chevaliers, sous-groupe du KKK.

Ce dernier est à cette époque en quête de dédiabolisation. Il évite en public d'évoquer la "suprématie" de la race blanche et prône le "séparatisme" pouvant séduire un électorat sudiste conservateur, à tel point que même Ron s'y laisse prendre. Jusqu'à ce que son supérieur direct, un policier blanc le ramène à la réalité et le sorte de sa naïveté.

Ron Stallwort n'est pas politisé, au contraire de son amie Patrice, leader du mouvement des étudiants noirs accueillant Stokely Carmichael (devenu Kwame Ture en 1978). Ce dernier était un compagnon de Martin Luther King et auteur de l'ouvrage Black Power en 1967, prenant alors ses distances avec Martin Luther King.

Spike Lee est passé maître dans l'art des doubles projections, des miroirs et des associations. Ainsi l'une des scènes centrales du film est un modèle du genre. Les étudiants, réunis dans une maison, lumineuse et ouverte, écoutent un ancien (Harry Bellafonte tout en pudeur et sincérité) raconter le lynchage d'un adolescent tandis que les Chevaliers, dans le secret d'une cave sordide, singent littéralement une cérémonie de baptême en visionnant Naissance d'une nation de Griffith. Beauté, dignité, revendication d'humanité répondent à la laideur grimaçante de l'oppression. Renversement complet, les "singes" n'étant pas ceux que montrent le film de Griffith. Le film de Spike Lee, lui-même est tout entier un écho à la situation présente puisqu'il se termine par des images documentaires des évènements de Charlottesville du 12 août 2017 où un suprématiste blanc a foncé dans une foule (mixte) avec sa voiture.

S'il évite de sombrer dans le pamphlet et parvient à faire de son film une arme de combat plus que de simple propagande, c'est en révélant les complexités de la lutte au sein même du groupe des étudiants, notamment par le duo Ron/Patrice. Au-delà de l'idylle évidemment naissante, ce sont deux approches radicalement différentes qui vont se réconcilier finalement. Patrice revendiquant une certaine forme de séparation des noirs d'avec les blancs de manière d'une façon finalement assez proche des blancs du KKK alors que Ron recherche l'abstraction: ne plus être considéré en fonction de sa couleur de peau mais de ses compétences, toute l'histoire du rêve américain des Fondateurs et de Martin Luther King.

Une ligne qui fracture toute l'histoire du mouvement des droits civiques et donne toute son épaisseur au film, bien au-delà de la caricature de ce troupeau de blancs avinés et bas du front. Mais surtout un questionnement sur la manière de lutter contre l'abjection sans se réduire à user des mêmes armes et donc de toujours refuser à déchoir au même niveau que ses adversaires.

"Vouloir qu'il soit exécuté signifierait que je ne suis pas meilleur que lui", ainsi s'exprime Najee Washington à propos de Dylann Storm Roof, l'auteur du massacre de l'église de Charleston le 17 juin 2015 (cité par Serge Molla, Martin Luther King, prophète. Labor et Fidès, 2018, p. 205). Et c'est bien l'enjeu du film de Spike Lee que de montrer qu'il est possible de lutter pour la liberté et la justice sans user des mêmes armes car finalement force reste à la loi et au Droit.

Roland Kauffmann

Mention spéciale du Jury oecuménique de Cannes 2018

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