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Fiction proche de la réalité, présentée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2022 et au Festival du cinéma de San Sebastian 2022, Un Varon est le premier long métrage de Fabián Hernández, qui s’est directement inspiré de son enfance pour écrire son film. Entremêlant réalité et fiction sur fond de misère et de lutte entre gangs de trafic de drogue, il a fait le choix de filmer le réel mais aussi l’évolution de la société dans son quartier natal de Bogota, où il nous fait découvrir les lieux mal famés dont il est issu.
En pré-générique, nous voyons en gros plan l’interview de trois jeunes hommes aux cheveux ras. Convaincus dans leurs propos, ils parlent de la rue « celle qui nous façonne, celle qui nous force à être durs». Ils expliquent les qualités requises pour être un « bon varon » et être respectés dans les quartiers. Alors que la caméra est braquée sur le visage de ces jeunes gens, le monde extérieur nous apparaît d’emblée comme un univers hostile. Le quartier constitue un espace dangereux pour celui qui ne suivrait pas les codes du « varon ».
Un Varon se rapproche d’une étude sociologique autour de la fabrication de la masculinité et le réalisateur livre une radiographie saisissante des obsessions de la société colombienne. Être un bon « varon », autrement dit un « mâle dominant », constitue un impératif social, les hommes en dépendent s’ils ne veulent pas être exclus du marché sexuel et économique. Pour être un bon « varon » il faut réussir un certain nombre d’épreuves, avoir une virilité imposante, marquer son territoire, exercer la violence...Carlos, un adolescent cabossé par la vie, dont la mère est en prison et la sœur se prostitue, veut devenir un « varon » exemplaire. Se devant d’inspirer crainte et respect, le jeune homme soigne son apparence capillaire en se taillant une coupe de cheveux censée faire de lui un « varon » en puissance. Mais vis-à-vis des autres, Carlos reste perçu comme l’antithèse du « varon ». Ni musclé ni macho, n’aimant pas les armes et les affrontements, il a des difficultés pour s’intégrer au modèle du « mâle dominant ». Devenu dealer, à la solde d’un des caïds du quartier, Carlos doit prouver qu’il est « un homme, un vrai » !
Un Varon est aussi une critique forte de l’inaction des pouvoirs publics. La rue est devenue une véritable jungle où les cartels font la loi, où les plus pauvres sont ceux qui subissent le plus cette politique étatique.
Ce film évoque aussi l’errance de Carlos, errance physique et intérieure. Les cinéastes aiment les déambulations existentielles de leurs personnages. Pensons à l’errance de Jeanne Moreau dans La Notte de Michelangelo Antonioni, à celle de Marcello Mastroianni dans La Dolce vita de Federico Fellini et récemment celle de Pierfrancesco Favino dans Nostalgia de Mario Martone. Un Varon s’inscrit dans cette tradition, où un personnage exprime ses mouvements intérieurs par ses déplacements dans l’espace. Carlos déambule dans Bogota, observe les rapports de force dans les rues. Il se cherche pour adopter les codes d’une masculinité agressive, ou à l’opposé, embrasser sa nature profonde. En effet deux obligations sont présentes tout au long du film pour lui : accepter et s’accepter. Il doit accepter d’être éloigné de sa mère et de sa sœur, accepter la rudesse des rues de son quartier, accepter un cadre de vie non conforme à ses idéaux et s’accepter comme différent des autres garçons et hommes du quartier.
Long métrage sur le difficile passage à l’âge adulte de la jeunesse colombienne, tout en reprenant les traditionnels schémas de films s’intéressant aux gangs, à leur violence, leur machisme, leur sexualité, Un Varon nous montre un jeune homme qui n’a pas de certitudes concernant sa virilité et qui n’a du macho « pur et dur » que le désir d’en être un pour, croit-il, être considéré comme un homme véritable. Ce film touchant nous offre un éclairage intéressant sur le cinéma colombien.
Florence de Tienda et Philippe Cabrol,
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