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Avec :
Ariel Bronz (Y.), Efrat For (Jasmine), Naama Preis (Leah), Alexsey Serebriakov ( Grand milliardaire), Sharon Alexander (Avinoam), Pablo Pillaud-Vivien (Secrétaire du milliardaire).
Né en 1975 à Tel-Aviv et d’abord journaliste, il étudie à l’école Sam Spiegel de Jérusalem et réalise 3 courts métrages avant son 1er long, Le Policier (Prix spécial du Jury Locarno 2011). Sélectionné à Cannes en 2014 et 2016, il obtient l’Ours d’or à Berlin pour Synonymes (2019) puis le Prix du Jury à Cannes pour Le Genou d’Ahed (2021).
Résumé :
Israël au lendemain du 7 octobre. Y., musicien de jazz précaire, et sa femme Jasmine, danseuse, donnent leur art, leur âme et leur corps aux plus offrants, apportent plaisir et consolation à leur pays qui saigne. Bientôt, Y. se voit confier une mission de la plus haute importance : mettre en musique un nouvel hymne national.
Analyse :
Ce film est inracontable ! C’est à la fois un extraordinaire pamphlet politique, une tragédie musicale, et la douloureuse plainte d’un réalisateur qui a mal à son pays. Plutôt que d’accumuler comme dans ses films précédents les actes et les mots du refus ou de la résistance, devenus vains tant est monstrueuse l’indignité veule et obscène dans laquelle s’enfonce la majorité de la société israélienne confrontée aux massacres à Gaza, Nadav Lapid choisit au contraire l’ironie visuelle pour exhaler sa colère et son désespoir. Il exhibe un couple de baladins serviles -Y. un musicien et Jasmine une danseuse- qui a décidé, en vivant le ‘oui’ de toutes les compromissions de se soumettre corps et âme aux puissants pour les divertir, dans l’oubli de la guerre et l’espoir d’accéder à la gloire et à la richesse. Cette métaphore inversée s’illustre dès l’ouverture de façon trépidante par une fête décadente à la Fellini, chez les ultra-riches, marquée par les outrances, le bruit et les couleurs criardes, et qui se termine par une bataille de chansons qu’entonnent aussi les militaires ! ‘Y’ est un personnage passif qui démontre par son comportement, en léchant bottes et oreilles, qu’il est prêt à tout accepter. Mais tous les personnages sont excessifs, grotesques, et pitoyables, soulignant la souffrance du réalisateur devant l’avidité, l’obscénité et l’avilissement contagieux de l’élite israélienne de Tel Aviv- nouvelle Babylone d’où toute éthique s’est retirée, sauf à luire par instant dans les évocations récurrentes de sa mère morte par ‘Y’. Celui-ci se réfugie dans la musique et dans la danse, et ira jusqu’à accepter de composer la mélodie d’un nouvel hymne patriotique, sur la demande du chef d’état-major des armées, pendant que les avions bombardent Gaza filmée depuis la « colline de l’amour » (sic) ! et nous verrons à la fin du film une vidéo musicale de propagande belliciste: une chanson mythique israélienne datant de la naissance du pays, détournée en hymne de vengeance et de tuerie et confiée à une chorale d’enfants qui la chante, dans le film, bandeau sur les yeux. Certes le parti pris de cette épopée excessive et par moments hystérique peut choquer, mais l’horreur du génocide en cours, pour l’essentiel hors champ, exsude de ce film radical, de cette bombe visuelle à la mise en scène époustouflante et soûlante dont l’énergie inventive n’est pas sans rappeler parfois Godard.
Jean-Michel Zucker
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