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Oksana Karpovitch, née à Kyiv en 1990, est une documentariste, écrivaine et photographe ukrainienne. Après des études à l’académie Kyiv-Mohyla, elle a étudié la production cinématographique à l’université Concordia de Montréal. Intercepted a reçu une mention du Jury œcuménique dans la sélection Forum au festival de Berlin en 2024.
Résumé :
Tandis que défilent des images de l’Ukraine dévastée par l’invasion de l’armée russe le 24 février 2022, le documentaire fait entendre les conversations entre les soldats russes sur place et leurs proches en Russie, qui ont été interceptées par les services secrets ukrainiens entre mars et novembre 2022.
Analyse :
Ce film est un brûlot anti-guerre. Pour montrer les ravages de l’impérialisme russe en Ukraine, il nous fait entendre deux points de vue, celui des familles en Russie, désinformées par la propagande et celui des jeunes soldats russes qui sont dans le réel, la guerre. Les uns, surtout des femmes, sont pleines d’agressivité et de haine, les autres sont confrontés à l’horreur. Leur dialogue est glaçant et condamne une société déshumanisée. On entend le désarroi des soldats auxquels on n’a manifestement pas dit grand-chose de vrai sur « l’opération spéciale ». Certains pensaient aller en Crimée, cela devait être une mission éclair. En mars 2022, date à laquelle « l’opération militaire spéciale » devait être terminée, un soldat détrompe sa mère : « ça ne va pas finir vite ».
Le bourrage de crâne a produit ses effets et les familles comme les soldats appellent à tuer tous ces « nazis ». Mais ‘on tue des enfants !’, s’indigne un soldat, ‘non !, rétorque sa mère’, vous tuez des fascistes’. Tandis que la cinéaste continue de montrer la désolation, les immeubles détruits et la campagne vide, on entend un soldat choqué que ses amis aient tué une mère devant ses deux enfants. On rapporte qu’il y a des tas de cadavres partout. Un autre évoque ‘l’odeur à Marioupol’. Interrogés sur ce qu’ils sont sensé avoir découvert, un soldat répond que ‘non , il n’a pas vu de bases de l’Otan’ et un autre qu’il n’a vu aucun ‘laboratoire’.
Des soldats font part de leur étonnement en arrivant dans les maisons et appartements désertés par les Ukrainiens fuyant la guerre et abandonnant tout : « ils vivent mieux que nous ! ». « Forcément, répond une mère : « vu que l’Occident les aide !». Certaines appellent leur fils ou leur frère à ‘bien se servir’ (ordinateur, vêtements de marque).
Dans une conversation poignante, un soldat explique à sa mère qu’il va sans doute mourir le lendemain. Un autre fait promettre à sa jeune femme -c’est sa ‘dernière volonté’ - qu’elle fera tout pour que leur fils ne fasse pas l’armée. Plusieurs conversations témoignent de l’usage de la torture, parfois dans le détail. Des soldats sont effrayés de ce qu’ils ont vu ou fait. ‘Je suis devenu fou, un fou furieux ! », constate l’un d’eux. ‘On n’a rien libéré du tout’, relève encore un soldat. ‘Ne regarde pas les informations’, enjoint un autre à son interlocutrice. ‘A quoi ça sert cette foutue opération ? », dit une mère en colère.
Françoise Wilkowski-Dehove
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