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Avec :
August Diehl (Franz Jägerstätter), Valerie Pachner (Franziska Jägerstätter), Michael Nyqvist (l'évêque Joseph Fliessen), Jürgen Prochnow (le major Schlegel), Matthias Schoenaerts (le capitaine Herder), Bruno Ganz (le juge Lueben), Martin Wuttke (Major Kiel), Maria Simon (Resie), Franz Rogowski (Waldlan), Tobias Moretti (père Ferdinand Fürthauer)
Prix du Jury oecuménique, Prix François Challais, Festival de Cannes 2019
Réalisation : Terrence MalickTerrence Malick cultive sa propre légende veillant à ne jamais apparaître en public ni répondre à des interviews, laissant ainsi ses acteurs défendre à leur manière ses œuvres. Habitué de castings prestigieux, Brad Pitt, Christian Bale, Sean Penn, Georges Clooney, découvreur de Richard Gere dans son premier chef-d'œuvre, Les Moissons du ciel en 1978, Terrence Malick met aussi bien en scène la nature, voire le cosmos dans Tree of Life, que les trajectoires de ses personnages. Scénariste de l'intime aussi bien que du sublime, Terrence Malick s'inscrit dans la lignée des auteurs transcendentalistes du XIXe siècle américain, tels Henri David Thoreau et Ralph Waldo Emerson.
Résumé :
Franz et Fani Jägerstätter sont un couple de paysans autrichiens durant la seconde guerre mondiale. Lorsque Franz est mobilisé en février 1943, il refuse de prêter le serment d'allégeance au Führer et il est exécuté en août de la même année. « Une vie cachée » raconte la naissance et l'affirmation de ce refus et de sa conviction qu'il faut obéir à sa conscience quelqu'en soit le prix.
Analyse :
Les films de Terrence Malick se veulent être de véritables œuvres d'art et le secret de l'art est ici sans aucun doute dans la lente maturation du film comme de la résolution du héros principal. Tourné en 2016 dans les montagnes autrichiennes, à la fois en plan large pour les paysages et en Steadicam pour être au plus près des personnages et de leurs failles intérieures, il aura fallu trois ans de montage pour faire de Une vie cachée, une véritable ode à l'amour et à la résistance au nom de la liberté de conscience.
En évitant de suivre la biographie réelle de Franz Jägerstätter, Terrence Malick évite l'écueil du biopic hagiographique du héros, forcément résistant parce que catholique convaincu. La béatification, intervenue en 2007, participant à une relecture a posteriori dont l'Église est accoutumée depuis longtemps. Terrence Malick parvient à déconfessionnaliser son sujet et à introduire la part de doute et d'incertitude dans le cheminement intérieur de Franz. Non seulement dans son propre cheminement d'ailleurs mais aussi dans le dialogue constant avec son épouse Fani.
C'est tout le propos de la première partie du film, jusqu'à son geste de refus dans la cour de la caserne, que de nous montrer comment cette conviction se construit entre eux dans le bonheur de leur vie quotidienne au rythme des saisons mais déjà obscurci par les tensions au sein du village en raison des positions politiques exprimées par Franz qui passe déjà pour une forte tête en refusant de contribuer à la collecte pour les soldats blessés.
Après son geste de refus, la seconde moitié du film interroge les enjeux du refus et les multiples possibilités d'accommodements avec sa conscience qui sont offertes à Franz. Refusant aussi bien de transiger que de se poser en donneur de leçon, refusant de juger et de condamner ses juges (magnifique scène avec le juge Lueben interprété par Bruno Ganz), c'est toujours avec Fani qu'il confirme sa décision lorsqu'au moment de signer le papier qui pourrait le libérer, il cherche son consentement comme le faisait John Proctor auprès de sa femme Élisabeth, dans la pièce Les sorcières de Salem, d'Arthur Miller, adaptée au cinéma par Jean-Paul Sartre avec une mise en scène de Raymond Rouleau.
Les croyants peuvent voir dans Une vie cachée, un témoignage de résistance au nom de la foi mais sans pour autant que cela soit la seule lecture possible. Franz invoque aussi bien sa foi que sa volonté de laisser à ses enfants un monde où il serait digne de vivre, il tire sa force autant de l'amour de sa femme que de sa conviction religieuse. Terrence Malick parvient ainsi à explorer les enjeux et les risques d'une décision au nom de la liberté de conscience dans une perspective qui peut être à la foi chrétienne, religieuse ou éthique. Il atteint ainsi un haut degré d'universalisme sans pour autant jamais perdre de vue la dimension individuelle et les conséquences concrêtes de la décision, évitant ainsi tout angélisme et tout manichéisme.
C'est pour l'ensemble de ces raisons, outre la stricte qualité technique et les qualités d'interprétation, que le jury oecuménique du Festival de Cannes 2019 a décerné son prix à Une vie cachée.
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