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Réalisation : Paolo Sorrentino. Scénario et dialogues : Paolo Sorrentino, Umberto Contarello. Image : Luca Bigazzi. Son : Srdjan Kurpjrl. Montage : Cristiano Travaglioli. Musique : David Byrne. Distr. : ARP.
Avec :
Sean Penn (Cheyenne), Judd Hirsch (Mordecai Midler), Eve Hewson (Mary), Kerry Condon (Rachel), Frances Mc Dormand (Jane)
A à peine quarante ans (il est né en 1970), Paolo Sorrentino a déjà réalisé cinq longs métrages dont quatre ont connu l’honneur d’être sélectionnés à Cannes. Ainsi, Les conséquences de l’amour en 2004, L’ami de la famille en 2006 et Il divo en 2008 qui a reçu le Prix du Jury. This must be the place, couronné à Cannes par le Jury oecuménique est pour l’instant le dernier de la série. Il reste à découvrir de lui son premier long métrage, L’Uomo in piu (2001), film qui l’a lancé en Italie, mais qui est encore inédit en France.
Résumé :
Ancienne star du rock au look gothique à la cinquantaine dépressive, Cheyenne s’est retiré à Dublin où il vit de ses rentes. La mort de son père, avec qui il avait rompu, le ramène à New-York. Il y découvre que ce père était un rescapé de l’holocauste, habité par le souvenir d’une humiliation infligée par un gardien du camp. Il se lance alors, à sa façon, dans une quête qui le mènera jusqu’au tortionnaire.
Analyse :
Par rapport à ses prédécesseurs, ce prix du Jury œcuménique de Cannes entre davantage dans la catégorie d’Adoration d’Atom Egoyan ou de Caché de Michael Haneke que dans celle des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois : This must be the place fait partie de ces films qui ne s’offrent pas au premier regard et ne se laissent que progressivement apprivoiser. Ici, pas de classique parcours scénaristique aux étapes soigneusement articulées, mais une déroutante sensation de puzzle aux pièces éparpillées ou manquantes, ou encore d’édifice à l’architecture déconstruite.
Mais une telle déconstruction n’est pas gratuite, ni destinée à perdre le spectateur. Elle est à l’image du héros du film, ce Cheyenne dont Sean Penn fait un personnage inoubliable : maigre, vêtu de noir, le dos voûté et les jambes en arceaux, la figure blafarde dans un nid de chevelure broussailleuse, la bouche maquillée de rouge, la lèvre inférieure crachotant obliquement un souffle pour chasser une mèche obstinée, traînant derrière lui une valise de cabine à roulettes et répétant : « Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ici ».
C’est lui, bien sûr, qui ne tourne pas rond. Et c’est sur la mécanique grippée de ce Cheyenne à bout de tout que Sorrentino verse l’huile de la réconciliation avec lui-même en le lançant dans la recherche du passé de son père. Ceci dit, qu’on ne s’attende pas à trouver ici une classique histoire de quête de racines. Sorrentino oeuvre davantage dans le réalisme transcendé que dans la reconstitution appliquée. Déjà en raison de ses images très travaillées, dont la composition des lignes, le choix des focales et les couleurs flirtent à l’évidence avec le pop’art et l’hyperréalisme américain. Ensuite par son récit lui-même qui, par son côté elliptique, caricatural, toujours décalé, fuit tout naturalisme et en arrive même à basculer dans le conte ainsi que le révèle la dernière image où le gothique Cheyenne apparaît soudain comme délesté du poids de son histoire, le visage libéré du maléfice qui en pétrifiait les lignes.
Jean Lods
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