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Archive des éditos

Edito : octobre 2017

Belle vieillesse

En marge de la compétition officielle de Locarno où le jury oecuménique a primé Lucky, l’histoire d’un personnage âgé de 91 ans au caractère bien trempé, j’ai pu apprécier une vingtaine d'autres films que vous ne verrez peut-être jamais. Comme souvent j’ai constaté l'émergence d'un thème récurrent dans les œuvres pourtant disparates, venues du monde entier. Cette année, c'était la vieillesse. Mais une vieillesse qui pouvait être heureuse et riche de vitalité. Avec Las Cinephilas, documentaire argentin de Maria Alvarez, j’ai fait la connaissance de quatre ou cinq femmes, entre 70 et 80 ans, vivant seules dans des grandes villes comme Madrid ou Buenos Aires, qui ont en commun la passion des films, au centre de leur vie. Elles sortent tous les jours, marchant difficilement avec la canne ou le déambulateur jusqu'au petit ciné du coin, ou bien elles parcourent le programme du Festival de Mar del Plata en cochant les horaires pour optimiser le temps passé devant la toile. Voilà leur but ! Et ce n'est pas simplement pour passer le temps vengeur qu'il leur reste mais bien pour la richesse d'apprendre. «  Voir un film ce n'est pas fuir la réalité mais plutôt apprendre à comprendre la vie et l'être humain, quel qu'il soit, proche ou lointain de nous » dit l'une d'elles. Les confidences intimes offertes à la réalisatrice très complice ajoutent les souvenirs vécus comme autant de blessures ou de joies qui n'ont pas rassasié leur soif de connaître. Comme pour Maria Alvarez, ces rencontres ont fait naître chez moi un sentiment de reconnaissance, me projetant dans un futur personnel qui ne sera pas si mal finalement, tant que la magie du cinéma opérera.

Un autre documentaire, de la réalisatrice américano-turque Shevaun Mizrahi, Distant constellation, nous plonge dans la vie hors du temps d'une maison de retraite d’Istanbul dont les fenêtres donnent sur d'horribles immeubles de béton en construction. Aux histoires poignantes de Selma rescapée du génocide arménien et du photographe devenu aveugle succèdent les malicieuses affinités de deux compères jouant de véritables sketches avec l’ascenseur et les confessions coquines du littéraire fan de Lolita ! Ce sont des témoignages d'une constellation pas si lointaine, comme un besoin de graver l'importance de chaque être humain, parce qu'il vit, qu'il a vécu et qu'il va disparaître. C'est aussi cela la mission, le devoir de cinéaste.

Arielle Domon