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Winter sleep, tout est dit

Palme d'or du festival de Cannes 2014, Winter Sleep du réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan est une illustration de l'imperfection de la communication entre des êtres pourtant liés par la vie.

Cinéaste d'atmosphères, Nuri Bilge Ceylan dépeint des personnages vivant chacun dans sa bulle à distance plus ou moins respectueuse ou craintive des autres. Figés dans des postures, liées à leur conditions sociales ou morales, chaque protagoniste est confronté à ses désillusions ou à sa violence.

Ainsi Ismail, le père endetté auprès du personnage principal, Aydin, en est arrivé à la misère après avoir avoir été contraint par le code de l'honneur à punir ceux qui avaient manqué de respect à sa femme. S'enchaînent alors la litanie des conséquences, prison, perte de l'emploi, incapacité à payer son loyer, saisie de la télévision par l'huissier, honte morale et surtout sociale jusqu'à l'humiliation ressentie par le fils d'Ismail, exprimée par cette pierre jetée sur la voiture du propriétaire Aydin, pierre qui déclenche le film.

Qu'il s'agisse ensuite d'Aydin, persuadé de sa haute conscience morale, qui va lentement se rendre compte du marché de dupes qu'il a imposé à sa femme, Nihal, la contraignant à une forme d'impuissance. Sans forcément s'en rendre compte, Aydin est au sommet d'une pyramide de débiteurs alors que lui-même devrait reconnaître ce qu'il doit à sa femme, à sa famille et à ses amis.

Les confrontations du film sont autant de revendications d'une place qui n'est pas donnée à priori et qu'il faut conquérir, parfois en faisant l'expérience de l'humiliation. Ainsi de Nihal qui croyant faire le bien en donnant une somme importante à Ismail le voit brûler l'argent; Ismail prétend affirmer sa dignité alors que Nihal n'a pas compris que son geste la fait être aussi égoïste et détestable que son mari. Le refus de l'argent par Ismail, incompréhensible autrement, est le refus d'une relation disproportionnée, dissymétrique. Précisément les types de relations imposées à chacun dans la vie.

En cherchant à s'approprier l'autre, on le dénature et on perd par là même ce que l'on en espérait. Chacun se fait une image de l'autre et se trompe à la fois sur lui-même et sur les autres.

Aydin semble comprendre cela et dans un dialogue intérieur libère sa femme et reconnaît ce qu'il lui doit et à quel point il a besoin d'elle. En paix avec lui-même, il peut enfin entamer la grande histoire du théâtre turc que le théâtre d'ombre de sa vie l'empêchait de rédiger. Mais ce dialogue est intérieur, aura-t-il été compris par Nihal de l'autre côté de sa fenêtre ? Rien n'est moins sûr.

C'est toute la force du réalisateur que de laisser cette question ouverte. Au sein du groupe pro-fil de Mulhouse, certains ont lu l'acceptation silencieuse de Nihal, d'autres sa déception de se voir à nouveau confinée par le retour de Aydin. La beauté formelle du film est aussi dans sa lenteur pour dire sans mots, à travers l'ordinaire de la vie, toute la palette des sentiments contradictoires.

Roland Kauffmann

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