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Après des études audiovisuelles à Beyrouth, Nadine Labaki, née en 1974, réalise, à vingt-trois ans, un court-métrage intitulé "11 rue Pasteur", qui remporte le Prix du meilleur court-métrage à la Biennale du cinéma arabe. Elle commence alors comme productrice de publicités, puis comme réalisatrice de clips avec lesquels elle gagne à nouveau des prix comme le Murex d'or. En 2007 elle sort son premier long-métrage, Caramel, présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Grand succès, il s'agit de l'un des films libanais les plus connus et appréciés au niveau international. En 2011 elle réalise Et maintenant on va où ?, évoquant avec humour les tensions religieuses régnant au Liban. Elle entame ensuite une carrière de comédienne dans plusieurs films, français notamment. En 2018 sort sa nouvelle réalisation, Capharnaüm. Ce film a été couronné trois fois au 71e Festival de Cannes, Prix du jury, Prix du jury œcuménique et Prix de la citoyenneté.


Capharnaüm

Capharnaüm retrace l'incroyable parcours d’un enfant de 12 ans, réfugié syrien, en quête d'identité et qui se rebelle contre la vie qu'on cherche à lui imposer. Son périple est prétexte à exposer un certain quotidien à Beyrouth en proie au chaos en raison des dégâts occasionnés par l’interminable guerre de Syrie. 

Nadine Labaki a fait un film sur toute la misère du monde, la pauvreté, les mariages forcés, les enfants maltraités, la condition tragique des immigrés clandestins, spécialement des femmes, exploités par les marchands de sommeil et les passeurs. Cela pourrait paraitre un peu fourre-tout. Mais elle a eu l’habileté de nous montrer tous ces aspects de la misère humaine au travers de l’histoire de deux enfants qui font l’essentiel du film. La première scène se passe devant un tribunal à Beyrouth, où l’on amène un petit garçon de 12 ans inculpé de tentative d’assassinat. Mais d’inculpé il se transforme en accusateur. « Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? » demande le président du tribunal, « Pour m’avoir donné la vie » répond l’enfant avec aplomb. Suit une longue plongée en flash-back dans les bas-fonds de Beyrouth, avec un magnifique plan sur les toits des bidonvilles lestés par des pneumatiques. Un petit bout d’homme de 12 ans, Zain, que la réalisatrice a trouvé dans l’enfer des rues, crève l’écran ; sublime acteur il reproduit l’essentiel de ses conditions d’existence. Un enfant d’une énergie inoxydable, petit homme avant l’heure, qui donne au propos de la réalisatrice une grande force de conviction. Zain a vu sa petite sœur de 11 ans vendue à peine nubile par ses parents au propriétaire de leur logement. Ce drame va conditionner toute la suite de sa vie, sa fuite et son errance avec un bébé de deux ans dont il est devenu, malgré lui, le gardien, sa mère, une érythréenne sans papiers ayant été arrêtée. Enfance maltraitée, massacrée, meurtrie, telle que Nadine Labaki l’a constatée elle-même dans les rues de Beyrouth. Elle veut porter témoignage et nous forcer à voir ce que l’on voudrait volontiers occulter ou oublier dans notre confort quotidien. C’est un film fort, militant et dérangeant. La réalisatrice est convaincue que le cinéma doit faire débat. Même si le propos est parfois surligné il reste un film qui interroge nos consciences, et à ce titre mérite le succès qu’il a eu.

J’ai lu sous certaines plumes grincheuses qu’elle fait du « misérabilisme ». Ce terme est dépréciatif. Il est défini comme la tendance à insister sur les aspects les plus misérables, pitoyables de la vie sociale. Mais il est certains aspects de la vie sociale qui méritent d’être soulignés et même surlignés. Il est nécessaire, utile et salutaire, comme le fait Labaki, de montrer au monde une certaine réalité, qui, nous dit-elle, est encore pire que celle qu’elle a montrée, et de bousculer nos mauvaises consciences. Il y faut du courage, de la compassion et une certaine force de conviction. Le jury œcuménique ne s’est pas trompé en lui attribuant son Prix. Ce n’est pas du misérabilisme mais simplement de l’hyperréalisme. Si le cinéma ne peut pas changer les choses, Nadine Labaki a essayé de peser, avec ses moyens, sur le destin de cet enfant. Depuis la réalisation du film Zain et sa famille ont quitté la misère des rues de Beyrouth et sont aujourd’hui accueillis en Norvège où il est scolarisé. 

Au-delà de son propos, le film est également attachant par sa mise en scène légère et fluide. 

On a l’impression que la caméra, portée à l’épaule, reste constamment à hauteur de ce petit homme et de ce petit bout de choux qui sont remarquablement filmés, à tel point qu’on a l’impression que ce bébé de deux ans joue son rôle, ce qui donne au film une grande énergie. Il a fallu, et on veut bien le croire, plus de cinq cents heures de rush, six mois de tournage et dix-huit mois de montage. 

Un petit bémol. Le happy end de la fin du film est peu vraisemblable et trop tire larme. La réalisatrice n’a sans doute pas voulu finir sur une note trop sombre. Mais il reste un beau film dense, sincère, bouleversant et émouvant.

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